Le 4 octobre 1982, un contemporain mourut, dont on savait vaguement qu’il serait aussi le contemporain de deux ou trois générations à venir. Aussitôt, les feuilletons, articles et oraisons funèbres le recouvrirent. Les plumes pleurèrent de polies larmes imprimées. Les nécrographes prirent la pose et, espérant que la lumière du mort les auréolerait un peu, firent de l’ombre à la grande ombre du disparu. Mais dix ans ont passé depuis sa mort, et Glenn Gould reste à inventer, malgré les commémorations, les rétrospectives, les hommages. Le temps dément celui que nous croyons avoir été, et la mort nous révèle autre que nous avions voulu être. E.T.A. Hoffmann se voulait musicien, Kreisler lui-même, plus qu’auteur des Kreisleriana, mais il passa à la postérité comme écrivain. Gould se pensait communicateur, penseur et écrivain ; la mort l’invente pour nous pianiste. A Montréal, en 1987, un colloque a été consacré à Gould, en quatre volets : l’interprète, le philosophe, l’homme de communication, le musicologue (1). Lui-même se voyait ou se rêvait – comme « une sorte d’homme musical de la Renaissance, capable de faire beaucoup de choses différentes », parmi lesquelles jouer du piano serait la moins importante. Il se trompait, et les exégètes à sa suite. C’est en tant que pianiste que Glenn Gould demeure parmi nous.
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